La correction… et son vocabulaire !

Publié par Elise Lebossé

Le métier de correcteur...

Le métier de correcteur est passionnant, ce n’est pas moi qui vous dirai le contraire.
Je me réjouis chaque jour de lire des textes aussi différents qu’instructifs, aussi bien que mal écrits (eh oui…) et aussi passionnants qu’étonnants.

On pourrait considérer qu’exercer ce métier, c’est comme ouvrir un énorme livre, dont les chapitres seraient remplis de sujets variés, de coquilles, de mots alambiqués et de passions dévorantes. Un jeu quoi !

 

Mais comme dans tout jeu qui se respecte, il y a des règles à connaître, et surtout à appliquer.
Je ne parle pas seulement des règles d’orthographe, de grammaire, ou de ponctuation. Cela serait bien trop simple !

Il s’agit là de règles propres à la « communauté de l’édition »…

 

Posons déjà le décor : au sein de la rédaction d’un quotidien, il y a (ou en tout cas il y avait…) des correcteurs dans des « cassetins ». Cassetins ???

En réalité, le cassetin n’est ni plus ni moins qu’un bureau. Un bureau pour correcteurs, disons !

La « casse » était en fait, à l’époque, une boîte en bois dans laquelle on rangeait les différents caractères d’imprimerie, dans un ordre bien précis.

 

Concernant le vocabulaire « ès » correcteurs, sachez que rares sont ceux qui parlent de majuscules ou de minuscules dans nos métiers.

N’existent que les « capitales » (caps, pour les intimes) et les « bas de casse » (traditionnellement rangée en bas, dans cette fameuse « casse ») existent.

Idem pour le trait d’union, inconnu au bataillon, que l’on nomme donc « division » (div, toujours pour les intimes).
Ainsi Muriel Gilbert nous explique-t-elle qu'au sein de la rédaction d'un journal, vous pourriez entendre quelqu’un vous demander :

« Comment écris-tu Comédie française, déjà ? ».
Et l’autre (du fin fond de son cassetin) de répondre :

« Deux caps div ! »

Comprenez donc les deux mots avec la majuscule, et un trait d’union entre les deux : Comédie-Française, messieurs dames !

 

Dans ce vocabulaire tout particulier et propre aux métiers de l’édition, nous trouvons aussi (et surtout), une spécificité qui fait souvent « tiquer » tout le monde : une espace.

Oui, vous avez bien lu : UNE espace.

Figurez-vous que cette fameuse espace me pose un gros problème : si je sais que ce blanc entre deux mots ou signes de ponctuation est bien féminin dans le vocabulaire des typographes, j’hésite pourtant toujours à l’utiliser, au risque de perdre un client potentiel.
Comprenons-nous bien : qui accepterait de payer une correctrice qui ne sait pas elle-même distinguer un mot masculin d’un mot féminin ?

« Votre devis s’élève à 200 € pour x caractères, espaces comprises. »

Merci madame, au revoir.

 

Et pourtant, pourtant (je n’aime que toi) : en typographie, l’espace est bien féminine, n’en déplaise à ces messieurs.

 

Sachant que le sport national actuellement en vogue semble être la « chasse à l’erreur commise par le correcteur » (pas l’automatique de votre portable hein, non non, celui-là, l’idée de le remettre en question ne viendrait à personne !), je me méfie de l’espace comme de la peste…

Aussi suis-je devenue une pro du jonglage avec toutes sortes de phrases aussi alambiquées qu’improbables, contenant le terme « espace » au féminin sans qu’il n’y paraisse : « X caractères, en incluant les espaces »/« X caractères, avec espaces », ou, si je m’y risque : « X tarif, espaces incluses » (oui oui, incluses !).

 

Je n’irai pas plus loin dans la notion de jargon propre à la correction, mais je suis en revanche preneuse de vos retours d’expériences drôles et authentiques concernant le vocabulaire (propre à votre métier, votre région, ou autres !).

 

17 sept. 2021 à 20:08