Bâiller, bailler et bayer !
Publié par Elise Lebossé
Mon fils a inventé une expression : « à ta bâille © » (copyright Maceo C. L.) !
Une idée du contexte ?
Ha ha !
Figurez-vous que cet enfant est assez bien élevé (enfin… en général), et que nous lui avons toujours appris à dire « à tes souhaits » à quelqu’un qui éternue.
Résultat ?
Il s’est demandé pourquoi il n’existait pas un terme pour souhaiter quelque chose à quelqu’un qui… bâille. Ben oui. Pourquoi pas ?
Bref, je ne suis pas venue vous raconter ma vie de famille, car j’en conviens, il y a plus intéressant.
Mon but était aujourd’hui de faire un petit rappel sur les homophones lexicaux suivants : bâiller, bailler et bayer (rien à voir avec la société pharmaceutique, pitié).
Allons-y gaiement (gaiment, ou gaîment. C’est la fête aujourd’hui…) !
- Bâiller, au sens propre, s’emploie pour parler d’un être vivant ouvrant largement et involontairement la bouche (j’espère de tout cœur qu’à ce stade de mon billet, vous n’en êtes pas encore là).
Il est également utilisé pour signifier « être entrouvert », « être mal fermé » ou « mal ajusté ». Donc vous bâillez (et Maceo vous souhaitera « à ta bâille »), la porte bâille et mes vêtements aussi (enfin… pas franchement en ce moment à vrai dire).
- Bailler est utilisé dans l’expression vieillie (digne d’un épisode des Mots paumés de l’Ipomée) « vous me la baillez belle », qui daterait du XVe siècle. D’ailleurs, ça fait peut-être un bail que vous ne l’avez pas entendue…
Elle signifie chercher à faire croire quelque chose de faux à quelqu’un.
Sachez par ailleurs que le sens du terme bailler a beaucoup évolué au fil du temps : « porter » au XIIe siècle, puis « recevoir » et enfin « donner » (quel joyeux bazar !).
- Enfin, « bayer aux corneilles », c’est « regarder les mouches voler », « être bouche bée devant une chose sans intérêt » (merci le Projet Voltaire !). Cette expression, au XVIIe siècle, était un peu différente, semble-t-il. On utilisait alors « bayer aux grues », c’est donc bien d’oiseaux qu’il s’agit ici.
Au XVIe siècle, le terme « corneille » était utilisé pour parler d’un objet insignifiant. Ceci explique donc cela.
C’est terminé ! Ou presque…
Parce que je viens de tomber sur un bonbon en consultant le site « Mots délicieusement surannés » ! Voyez plutôt !
- « À la baille est désormais une expression surannée parce qu’elle nous vient des congés payés, de juin 1936 et du Front Pop’ : c’est elle que l’on hurle de joie en découvrant la mer pour la première fois pendant ces quinze jours auxquels tout salarié a désormais droit. Et avec ces 600 000 vacanciers lâchés sur les routes de France, ce mot d’argot ou plus exactement du français populaire, va faire florès. Rendez-vous compte, tous ces Titis de Paname et d’ailleurs en goguette sur les plages bretonnes et normandes, ça en fait du beau monde à la baille. »
Alors, combien d’entre vous sont arrivés au bout de ce billet sans bâiller ?
« À votre bâille » et bonne semaine !
6 juin 2022 à 11:15